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La remise de la Croix de guerre à la ville de Menton :
C’est le 18 février 1949 que le général de brigade Raguet, commandant la neuvième région militaire, adresse au maire de Menton, Parenthou-Dormoy l’ampliation officielle de la citation à l’ordre du Corps d’armée de la ville de Menton comportant attribution de la Croix de guerre avec Etoile de vermeil. Le texte de la décision n°78 du 11 novembre 1948 est le suivant :
« Evacuée à deux reprises, Menton a connu ensuite successivement l’occupation italienne et allemande. Ville sinistrée, sa population a été très éprouvée par les bombardements et les déportations. Menton est la seule agglomération importante du département qui ait été pratiquement annexée par les Italiens. Ses habitants ont supporté avec courage et patriotisme toutes ces épreuves qui n’ont pas altéré leur confiance dans les destinées de la patrie ».
Le 28 avril 1949, le Maire demande au Ministre de la Défense nationale Paul Ramadier de présider la remise officielle de cette décoration à la ville de Menton et la date du 25 septembre 1949 est arrêtée. Pourquoi une telle initiative alors que les pourparlers avec le général commandant la neuvième région militaire étaient bien engagés et que des dates avaient été avancées pour une manifestation militaire ?
Tout d’abord parce que des liens amicaux unissent les deux hommes qui ont mené des combats politiques communs avant guerre ; ensuite, pour des raisons de prestige ainsi que le Maire le déclara à la presse : « Nous avons voulu que notre région profite tant au point de vue moral, de la publicité faite autour du déplacement d’un grand ministre, de même pourquoi ne pas le dire, qu’au point de vue touristique ».
Alors que les réunions préparatoires à cet événement avec les autorités militaires et préfectorales pour que cette manifestation soit exemplaire ont lieu, le journal « Nice-Matin » sous la plume de son journaliste Marcel Barneaud rappelle par une série d’articles « A la veille d’un grand jour » ce que furent l’Evacuation, l’Annexion italienne, l’Occupation allemande.
Toutefois à quelques jours de l’événement, quelques voix discordantes se font entendre. C’est le 17 septembre 1949, un courrier des conseillers municipaux communistes adressé au Maire ; ceux-ci protestent « énergiquement contre la venue dans notre ville de M. Ramadier, Ministre de la Défense nationale … représentant d’un gouvernement qui pressé par d’autres soucis militaires, ne se préoccupe nullement des intérêts des villes sinistrées ».
C’est encore le 23 septembre 1949, une réunion publique réunissant selon le rapport de la Direction générale de la sûreté nationale plus de trois cents personnes, animée par le député Virgile Barel qui, après un discours de près de deux heures sur la paix menacée par notre « soumission aux USA » demande aux Mentonnais d’accueillir Ramadier aux cris de « Vive la paix et à bas la guerre ».
Ce sont enfin des tracts du Parti communiste : « En masse, exigeons la remise de la Croix de guerre par un homme propre incarnant l’idéal de liberté, d’indépendance nationale et de paix, chers à tous cœurs français » et d’un groupe de sinistrés mentonnais : « Nous pensons que votre présence ne s’imposait pas à Menton en ce beau dimanche, encore que nous soyons fiers de recevoir la Croix de guerre pleinement méritée ».
Lorsque le 25 septembre vers 16 heures, la délégation officielle accompagnant le Ministre arrive sur la place de la Mairie, des incidents opposèrent les forces de l’ordre dirigées (excitées diront d’autres) par le Préfet et les manifestants dont les slogans étaient « La paix, Ramadier à la porte » ; le calme revînt un quart d’heure plus tard, après quelques interpellations ; la remise de la Croix de guerre put alors se dérouler sans encombres : discours, défilé, hommage aux monuments aux morts, concert, repas républicain, feu d’artifice et bal.
Les jours suivants, la presse commenta diversement l’événement ; pour « Nice-Matin », « Pendant que Menton recevait la Croix de guerre, le Préfet donne aux îlots de choc du PC une leçon d’honneur » ; « Et voici la preuve que les meneurs de dimanche n’étaient pas de Menton ». Pour « l’Espoir » : « Une journée de gloire ternie par des incidents. Le Préfet affronte les troupes du PC qui avaient pour mot d’ordre de chahuter le Ministre de la Défense nationale. Procédés indignes ». « Les morts sont-ils partisans du Pacte de l’Atlantique ou du pacte franco-soviétique ? Telle est la question qui dimanche à Menton, à l’occasion d’une cérémonie présidée par M. Ramadier provoque des bagarres entre les vivants ».Pour « Le Patriote » : L’attitude du Préfet des Alpes-Maritimes à Menton …. Aussi en pleine paix, sous une constitution républicaine, un préfet se permet de frapper des citoyens dont le seul crime est de vouloir la paix« . »L’affolement gouvernemental« , »La canne haute, M. Haag, préfet injuria, provoqua sans distinction et sans trop bien s’en rendre compte, femmes, mutilés, vieillards, jeunes gens parfois officiellement invités.« »Le Préfet de la peur et de la haine".
La presse nationale donna une version des faits contestée par le Maire (courrier aux rédacteurs en chef du « Monde » et de « La Dépêche du Midi ») : « Le Préfet de Nice, unijambiste et canne à la main protège M. Ramadier contre les communistes. Et le Ministre a pu sans autre incident présider une émouvante commémoration ».
« Le sérieux des incidents dont il s’agit est accusé par le discours même de M. Ramadier qui a cru devoir en flétrir publiquement les auteurs ».
Les événements mentonnais du 25 septembre 1949 rappellent s’il en était besoin que le groupe communiste avait été relégué dès octobre 1947 dans l’opposition municipale ; ils sont également l’écho d’une année sombre (1947) qui au niveau national a été marquée par une série de grèves très dures, l’éviction des ministres communistes, la fin du tripartisme (PCF, SFIO, MRP) et le changement de la ligne politique communiste, décidé lors de la conférence des partis communistes en Pologne.
En 1949, l’isolement du PCF est bien réel et trouve sur le plan local, à l’occasion de cette manifestation, un terrain d’expression placé sous le regard de la presse. La rupture avec le maire autrefois partenaire est effective, citons pour illustrer notre propos, le journal du parti « Le Patriote » du 28 septembre : « M. le Maire, souvenez-vous d’abord de votre jeunesse et de vos combats pour l’amélioration du sort du peuple. N’avez-vous pas un peu honte, aujourd’hui d’avoir renoncé à l’idéal qui vous animait alors et d’être devenu le meilleur soutien de ceux que vous combattiez autrefois ». Dans le même journal, un jour plus tard « les jeunes socialistes » reprenant le même argument, indiquent au Maire : « Dans le chemin que vous avez délibérément pris, ils ne peuvent vous suivre sans trahir leur idéal socialiste, idéal qui était peut-être le vôtre quand vous étiez jeune comme ils le sont ».
En réponse, le Conseil municipal nommait, un an plus tard en séance extraordinaire, le Préfet Haag, Citoyen d’honneur de la ville de Menton (délibération n°330 du 20 septembre 1950).
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