Le jeu de vitou

Autrefois à Gorbio, avec nos anciens…
LE JEU DE VITOU
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Au risque de vous paraître passéiste, je vous dirai que ce qui me manque aujourd’hui c’est le temps disparu, des amandiers en fleurs, puis des cerisiers, qui faisaient au printemps, une immense couronne blanche autour du village de Gorbio, de la bergerie de Noël à la Rocca, au Faïscin, à la Giandola et, dessous, au Paran et à la Puailla.
Ce qui me manque, c’est tous ces anciens qui nous ont quittés, qui m’étaient de bon conseil…. ils seraient furieux de voir ce qui se passe aujourd’hui, eux qui se parlaient droit dans les yeux, le verbe haut, dans leur costume de dignité, et qui réglaient leurs différents « A Bottou » et sans témoins au coin d’une rue… on y gagnait en respect… « T’en avise ! ».
Tous ces anciens me manquent, et manquent à notre petite communauté : Titin, Paul Blanc, Medelo, Tre Sòu, Gustou de Truchi et Gustou de barbacane, les deux Tasin, Gustin, Baloun, Oliva, Etienne, Barbero, le Lolou, le Lilou, Dandrin, Gadoun, Pignata, Lou Bec, le Coujou et d’autres…
Et ceux d’en bas : Ana, Paul Journaut, les frères Grisolia, les « cochonniers » dont le cheval était programmé pour s’arrêter au petit bar de la vallée aujourd’hui disparu : chez Baptiste.
Et puis il y avait Géni, qui habitait rue Gambetta, à côté de la voûte où Valetta, le ferblantier fabriquait des casseroles pour tout le village.
C’était un paysan on ne peut plus honnête et travailleur s‘il en fut un… et il était notre champion de vitou ! Le vitou est un jeu de cartes local avec deux équipes de deux, qui ne se joue qu’à trois cartes avec un jeu de belote.
Le 10, le 9 et l’as, dans l’ordre, mènent la danse…
La coupe des cartes, à elle seule, est un véritable spectacle, car il faut repérer où sont les 10… quand c’était à Géni de couper c’était un véritable rituel, il faisait tourner son béret sur sa tête, frottait plusieurs fois le paquet de cartes sur la table, jusqu’à taper du poing sur le jeu, ce qui signifiait que les 10 étaient au bon endroit !
Le vitou, est un jeu de menteurs, où l’on se fait toutes sortes de signes, souvent rigolos, des vrais pour son partenaire, et des faux pour les adversaires…
Il se joue en douze points, et les joueurs font, tour à tour des surenchères : 3, 6, 12 ! Et font tout pour intimider les adversaires ! Géni excellait dans cette manœuvre, tapant sur la table avec sa main large comme un battoir, il criait en patois et il lui arrivait même de monter sur la table !
C’est un jeu, vous l’avez compris, beaucoup basé sur l’esbroufe et les fausses annonces… les dirigeants de ce pays, feraient d’excellents joueurs de vitou !
Michel ISNARD
Extrait du discours de Michel Isnard, maire de Gorbio, à l’occasion de ses vœux à la population (29 janvier 2017)
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OU JUEG DE VITOU
Vou dirai que ço que me manca ancuhi es ou temp despareishù, de mandourìe en fioù, puhi de cerieijhìe que fasìan pèr primavera, una grana courouna bianca à r’entorn dou vilage de Goarbe, despù ou courtì de Natalin da Roca, ou Faishin, a Giàndola e au soutran, ou Paran e a Pualha. Ço que me manca, san tout u vielhe que san partì, qu’eran de ban counselh… Serìan enrabià de vé ço que se passa ancuhi, elu que se parlavan drech ent’u uelhe, ou verbe aut, en grana degnità e que spartìan u létigue a bote e sensa testemoni ent’ou cantan dou camen… i gagnavan de respet « t’en avise ! ». Tout u vielhe me mancan, e mancan ent’ou païs-noastre : Titin, Paul Blanc, Medelo, Tre Sòu, Gustou de Truchi e Gustou de barbacane, u dou Tasin, Gustin, Baloun, Oliva, Etienne, Barbero, ou Lolou, ou Lilou, Dandrin, Gadoun, Pignata, Lou Bec, le Coujou e d’autre…
E aquelu dau soutran : Ana, Paul Journaut, u fraire Grisolia « u pourquìe » de que ou cavà s’arrestava davant a buveta da valada ancuhi despareishùa : Da Batì.
E puhi, i era Géni, que stasìa carriera Gambetta, à coustà da vouta douna Valetta, ou magnin, fasìa de cassarole pèr tout ou païs.
Géni era un campagnolou aunest e travalhous… era ou noastre campian dou vitou ! Ou vitou es un jueg de carte dame quatre jugaire, dou couentra dou, que se juega dame tré carte d’un jueg de belota. Ou 10, ou 9, r’asse, san e carte e pu foarte.
A coupa es un verou spetàcoulou, parqué car endevinà douna san u 10… Quoura Géni se devìa de fà a coupa, acò era un verou rituale, fasìa virà ou sen berreten s’a testa, fretava quarque vote ou paquet de carte s’a taura, fint’a mandà un pougn s’ou jueg, ço que vourìa di qu’u 10 eran ben piaçà !
Ou vitou es un jueg de bausìe, douna se fà toute soarte de segne, veru pèr ou sen coumpaire mà de fausse pèr l’autra part.
A partìa se juega en douze pounche e u jugaire, fan cada-un de soubr’encante : 3, 6, 12 ! E fan tout pèr empaurì r’aversari ! Géni era ou pu foart pèr a manobra, piquent sus’a taura dam’a soua man larga couma una massa, ralhava en lenga dou païs e, de vote, arribava finte que Géni mountava sus’a taura !
Acò es un jueg, r’avé ben capì, que fa boana part pèr u bausìe e paraule fausse… Tout’ u gouvernante de noaishe païs farìan de pran belu jugaire de vitou !
Revirada en mentounasc da JEAN-LOUIS CASERIO, Félibre Majoral