Société d’art et d’Histoire du Mentonnais
LE COIN DU MENTOUNASC DANS NICE-MATIN

Le bois du Cap Martin au XIXe siècle par Bourelly (Extrait de « Les Perles de la Côte d’Azur »)

Revirada par « U Chacharoun rocabrunasc »
lundi 13 mars 2023 par « U Chacharoun de Rocabruna »

LE BOIS DU CAP MARTIN AU XIXE SIÈCLE
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Le promontoire du Cap Martin, une des plus attrayantes promenades des environs de Monaco et de Menton, est cette langue de terre, assez semblable par sa forme et son relief à une carapace de tortue, qui borne à l’Ouest le golfe de Menton, et n’occupe pas moins de 70 hectares.
A une époque encore peu éloignée de nous, les futaies d’oliviers, de pins, de chênes, de mélèzes et de caroubiers qui couvraient le sol rocheux de la presqu’île, lui donnaient l’aspect d’une forêt vierge ; là, buissonnaient librement les térébinthes, les lentisques, les myrtes, le thym et les genévriers. Les chemins et les sentiers, envahis par les ronces, étaient à peine frayés. Point d’habitations ; seulement quelques mauvaises cassines au milieu de rares clairières. Aucun autre bruit que le gémissement plaintif on le sourd grondement de la mer. C’était une solitude profonde, puissamment attractive avec sa végétation agreste et touffue, ses ombrages rafraîchissants, et son silence invitant au repos, à la méditation et à la rêverie.
Il vint un temps où les échos cessèrent d’être muets ; quelques toits fumèrent dans la forêt embaumée ; les étroits sentiers apparurent sous la trame des buissons éclaircis, puis s’élargirent ; on vit le jour à travers l’épaisse ramure. Seuls, quelques oliviers vénérables continuaient à rappeler l’âge où, de cette mystérieuse retraite, ne s’élevait aucune autre voix que celle du vent dans les hautes cimes, et du flot battant la rive.
Mais ce n’était là qu’une première transformation. Avant que ce coin de terre privilégié ne fût traité en propriété de rapport, On songea à convertir en tirés ses fourrés pittoresques. [...] Cette singulière idée trouva quelqu’un pour l’appliquer, et le 19 novembre 1886, des tireurs émérites, membres d’une société privée, et leurs invités, se réunissaient au Cap Martin, devenu à grands frais un centre cynégétique, pour y célébrer l’ouverture.
L’installation due à M. Blondin, le manager du Tir aux pigeons de Monaco, permettait la chasse à tir, au rabat et au chien courant. On avait fait construire des abreuvoirs alimentés par la Compagnie des eaux de Menton, ensemencé certaines parties du terrain de plantes dont le gibier à poil et à plume est friand, créé des clapiers artificiels avec pièges à furets, organisé une faisanderie et un chenil, et entouré la chasse entière d’un grillage. Les chasses reprirent à l’automne 1887, et donnèrent lieu à des réunions joyeuses où l’on se rendait de Nice, de Monaco et de Menton.
Pendant l’hiver de 1888 à 1889, un dernier son de trompe de saint Hubert réveilla encore une fois les échos : ils s’endormirent ensuite pour toujours.
Bourelly
(Extrait de « Les Perles de la Côte d’Azur »)

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OU BOUASC DOU CAB MARTIN AU DÉS-É-NOUVIEME SÉCOULOU
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L’avançaìa dou Cab Martin, una de pu piajenta proumenada à l’entorn de Moùnigou e de Mentoun, è aquesta lenga de terra, que semelha per a sìa forma à una grœlha de tartuga, qu borna au Pounent a cuesha de Mentoun, e noun se stende susa scajì setanta ètarou. A una epouca encara poc lœgn de nourautre, u bouasc d’aurevìe, de pin, de rouhe, de mèle e de carroubìe qu curbishioun ou terren peirous dou Cab, semelhavoun à un « bouasc vergine » ailen poussavoun liberament u pin , u petoulin, aï mourta, a farigoula e u genebrié. U camin e u caminet, envasa per aï baragna, eroun poc durbì. Neshuna casa ; soulament quarque marrìa caseta au mitan de pra. Neshun autre remou que a lamentacioun o ou lourd ralhament de a marina. Era una soulitùdine founda, proun piajenta dame a sìa vegetacioun varià e spessà, u sìe oumbrage refresquent e ou sen silènciou envitent à se pausa, à la meditacioun e à l’ensouann.
È vengù ou temp douna u reboumb avìoun fenì d’èsse mut, quarque tech avìoun fumà dintre ou bouasc audourous ; U strench caminet avìoun pareshù souta u baragnass squià, apress s’eroun relargà ; aven vist ou jou à travers aï spessa rama. Souret, quarque aurevìe antig countinuavoun à se avisà l’age douna, de aquesta misteriousa piatina, noun se sentiva neshuna autra vous que aquela dou vent dintre aï auta cima e de a marina batent a riba.
Ma noun era ailen que una prima trasfourmacioun. Avanch que aquer cant de terra proutejà noun sigue tratà en prouprietà de rèndita, an pensà a renouvà en lœg de cacha u se boushoun pitouresc… Aquesta ouriginale idéa avìa trovà quarcun per à faire e ou dés-é-nòu nouvembre mile vœch cent utanta sìe de boun cachaire, sochou de una soucietà privà e u se envità se reünishevoun au Cab Martin, devengù dame proun de spesa un chentrou de cacha per celebrà a dubertura.
L’enstalacioun fachà da Mounsù Blondin, ou diretoù dou tirou au couroumb de Moùnigou, permeteva a cacha à tirou, au rabat e ou can courent. Aven fach bastì de bevahoù empi de a compagnìa de l’aiga de Mentoun, semenà cherte part de terra de piant qu piajevoun au gibie à pe e à puma, mountà de counilhèra dame chapahoù à furet, ourganisa una fasanièra e una canièra e barricada tout a cacha d’un grilhage. Aï cacha an repilhà à l’autoun mile vœch cent utanta set e an oucasiounà de reünioun alègra douna a gent veniva de Nissa, de Moùnigou e de Mentoun.
L’envern de mile vœch cent utanta vœch à mile vœch cent utanta nòu un darrìe remou de troumba de San Hubert a drevelhà encara una vota u reboumb : se soun adurmì apress per toujoù.
Traduction en roquebrunois par « U Chacharoun rocabrunasc », février 2023.


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